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Les seules pratiques funéraires attestées avant l’époque romaine dans le haut bassin de la Garonne remontent à la transition entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer. Il s’agit des cercles de pierres d’altitude, découverts et fouillés au siècle dernier, sur les hauteurs de la vallée de Larboust notamment (01). Ces cercles encadrent une cavité centrale où était déposée une urne contenant les cendres du défunt. Si la datation et la destination funéraire de ces ensembles fait, pour certains d’entre eux, l’objet de débats scientifiques que l’insuffisance de données disponibles n’a pas permis de trancher, leur appartenance à une population qui pratiquait la transhumance d’altitude paraît probable et la nature funéraire de plusieurs d’entre eux est clairement attestée. L’épigraphie et l’iconographie témoignent L’époque romaine apporta dans les pratiques funéraires, comme dans bien d’autres domaines, son lot de transformations. Comme pour les pratiques religieuses, celles-ci sont liées à l’usage de la pierre, gravée ou sculptée, qui était techniquement et économiquement facilité par la proximité des carrières de marbre de Saint-Béat . Une partie de la population adopta résolument la culture nouvelle, ayant recours à l’épigraphie et à l’iconographie classiques pour signaler la sépulture. Le portrait très romain d’un couple de défunts orne ainsi la belle stèle conservée dans l’église d’Izaourt (02). Une inscription d’Anla, réutilisée dans le rempart de Saint-Bertrand-de-Comminges, révèle l’acculturation d’une famille d’origine pyrénéenne. Le propriétaire du tombeau, Rutundus, époux de Minicia Clara et père d’une Rufina, avait lui-même pour père un Honthar à l’indubitable origine pyrénéenne, lequel avait donc donné à son fils un nom latin (03). Les plus riches de ces aristocrates locaux se faisaient édifier des tombeaux monumentalisés, les « piles funéraires » typiques de la région Sud-Ouest, adaptation des mausolées romains (04). Les auges cinéraires pyrénéennes L’arrivée de pratiques funéraires nouvelles se conjugua avec les traditions antérieures pour donner naissance à une imposante série de monuments originaux : les auges cinéraires pyrénéennes (05). Sur un total de quelque quatre cents, les trois-quarts ont été découverts dans le haut bassin de la Garonne, preuve du lien étroit entre leur diffusion et la présence des carrières de marbre. Ces auges, évidées et fermées d’un couvercle en forme de fronton ou de tympan, étaient destinées à conserver les urnes cinéraires des défunts (10). La face antérieure porte fréquemment un décor, qui mêle motifs géométriques ou végétaux stylisés, bustes raides et naïfs de personnages souvent associés par deux ou trois (06), et, parfois, objets du rituel funéraire, tels que cruches ou gobelets (07), ou de la vie quotidienne, tels que haches et scies de bûcherons ou de charpentiers (01 exploitation du bois), massettes et pics de carriers, marteaux et pinces de forgerons, armes de chasseurs. À la tradition romaine appartiennent le
choix du portrait en buste, encadré d’un tympan ou de pilastres,
et l’évocation, par les objets, de rituels comme celui
de la libation ou du banquet funéraire. De la culture pyrénéenne
relèvent le style d’exécution des personnages, les
codes qui les identifient, comme les boucles d’oreille des femmes,
et la présence d’outils spécifiques des métiers
de la montagne. |
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Ces auges, modestes copies des monuments
funéraires romains adaptées aux réalités et
aux possibilités des vallées pyrénéennes,
permettaient aux moins pauvres des montagnards d’avoir des succédanés
des tombeaux ou des mausolées qu’ils ne pouvaient s’offrir
pour marquer leur position dans la petite collectivité qui était
la leur. On se gardera de toute interprétation sur les symboles
végétaux ou géométriques et sur l’éventuelle
signification symbolique de représentations animales (oiseaux)
(08)
: l’absence de texte empêche de fonder toute hypothèse
dans ce domaine et les tentatives d’interprétation relèvent,
dès lors, plus de l’imagination ou des fantasmes du chercheur
que d’une analyse rigoureuse des sources. Ces auges ont souvent été découvertes réutilisées dans la maçonnerie des petites églises préromanes ou romanes de la vallée de la Garonne. Ce réemploi était évidemment lié à leur structure massive, qui permettait de les transformer aisément en pierres d’angle toutes taillées. Mais leur décor en faisait aussi des objets de vénération, auxquels était parfois attribué un pouvoir magique ou apotropaïque et qu’on enchâssait dans les murs de l’église pour la protéger. Le nom de Sants Petitous (« les tout petits saints »), que donnaient aux personnages figurés les fidèles du XIXe siècle, et les trous pratiqués dans les parois, qui témoignent de la réutilisation de certaines auges comme reliquaires, sont des illustrations de ces pratiques. A Saint-Pé-d’Ardet, un couvercle d’auge, réutilisé dans le montant du portail de l’église, a été totalement usé par les fidèles qui, en entrant dans l’église, touchaient religieusement de la main ce qu’ils considéraient comme une icône chrétienne (09). |
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