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À la différence de l’exploitation de la pierre, dont la large diffusion comme matériau de construction fut une nouveauté propre à la période romaine, l’exploitation du bois était une réalité bien antérieure. Élément de base de l’architecture des époques protohistoriques, le bois était également une denrée domestique de première nécessité, pour la cuisson des aliments et le chauffage notamment. Une exploitation croissante Si le monde romain n’importa donc pas la tradition de l’exploitation forestière, celle-ci dut néanmoins changer de taille avec l’apparition de besoins nouveaux. L’architecture monumentale des villes et des grandes demeures, mais aussi l’architecture plus modeste de maisons construites en dur exigèrent des charpentes d’un tout autre module que les cabanes protohistoriques, qui pouvaient se contenter de rondins (01). Les portiques du temple du forum, à Lugdunum (Saint-Bertrand-de-Comminges), ou la couverture, partielle ou totale, de la cour du marché supposaient des poutres d’une longueur de plus de 8 m et susceptibles de supporter les lourdes toitures en tuiles romaines. Peut-être ces éléments lourds empruntaient-ils la rivière pour rejoindre leur destination, comme les blocs de marbre transportés sur des radeaux (02). Des besoins nouveaux Si les foyers domestiques des époques antérieures pouvaient être alimentés par du glanage forestier ou l’abattage de taillis, les imposantes structures des chauffages à air chaud, en sous-sol des thermes ou des maisons individuelles (hypocaustes), requéraient des quantités de bois autrement importantes que les foyers protohistoriques. Le développement de la métallurgie, du fer notamment, exigeait, pour sa part, des masses considérables de charbon de bois pour les opérations de réduction du minerai. Ces réalités nouvelles laissent donc imaginer une intensification et un changement de nature de l’exploitation. Un matériau périssable Pour évaluer la validité de l’hypothèse, le chercheur manque malheureusement de données solides. Le bois est un matériau qui résiste mal à l’érosion du temps, et, seules, des conditions exceptionnelles (milieu humide et anaérobie) permettent sa conservation. Aucune découverte de ce type n’a été faite dans le bassin de la Garonne, et seules sont donc possibles des analyses indirectes du phénomène. |
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Techniques d’investigation Le développement récent des sciences appelées paléo-environnementales offre en la matière quelques pistes. La palynologie, qui étudie les pollens fossilisés dans la tourbe, et l’anthracologie, qui identifie les essences à partir des fragments de charbon de bois, permettent de reconstituer partiellement l’environnement paysager de l’Antiquité. Elles montrent une prédominance en milieu forestier du hêtre (03), qui a progressivement remplacé le sapin à partir du Néolithique, et du noisetier. Ces sciences, cependant, reconstituent des mouvements multiséculaires et n’offrent donc pas une précision chronologique suffisante pour évaluer avec finesse le rôle de la période antique dans le processus d’évolution de la forêt. A la lumière de ces analyses, cependant, les grandes opérations de déforestation, dues aux progrès des défrichements agricoles et aux dommages causés par les troupeaux transhumants, sont antérieures à l’époque romaine, qui ne paraît pas aussi destructrice du milieu forestier que le laisse imaginer l’analyse des besoins que nous avons proposée. L’apport des noms divins Un indice se cache peut-être derrière les noms de divinités pyrénéennes, qui ont été traduits en latin sur les dédicaces offertes par leurs fidèles : dieu Hêtre (deus Fagus) (04), dieu Six-Arbres (deus Sex Arbores) (05). Cette traduction dans la langue nouvelle pour des divinités locales, liées à la forêt et peut-être symbolisées par les nombreuses représentations végétales qui décorent les autels votifs (06), prouve que les fidèles de ces dieux forestiers étaient en contact étroit avec les milieux romanisés porteurs de la culture latine. Ce contact ne peut avoir été qu’économique : la relation qu’entretenaient les cercles de population proches de la forêt avec la ville ou la plaine, lieux par excellence de la diffusion de la latinité, ne pouvait être que celle de la commercialisation, à échelle relativement importante, du bois de charpente, du bois de chauffage et du charbon de bois. La modification de la dénomination (et, peut-être, de la personnalité) divine paraît donc un signe de la pénétration dans des espaces forestiers reculés de la culture dominante, par le canal des échanges nouveaux liés à une demande accrue en taille et différente en nature. |
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